Préoccupations internes, avenir indécis ? {libre}

Dans cette immensité qui constituait le nid de toute vie, nombre de particules volages parcouraient les temps en simples observateurs avertis. Nés de la première pluie, ou simples survivants de générations depuis longtemps agonisantes, ils ne cessaient d’en apprendre un peu plus sur les méandres de ce nid illimités, et se faisaient leur propre opinion sur tout. Il n’était pas rare qu’on les appelle « sages », et qu’on les considère comme des puits de connaissances. Il leur suffisait de bien vouloir partager cette essence, qui était leur à chaque seconde. Du respect qu’ils tenaient de chaque individu, ils retiraient un statut social sans pareil, et il se pouvait qu’ils accèdent aux hautes instances politiques. Là, leur jugement avait toujours permis de préserver une paix relative, entre chaque clan que les divergences idéologiques, liées à l’Histoire, avaient créées. Toujours… sauf durant la grande guerre, qui avait failli précipiter la Vie vers des abysses sans nom, procédant ainsi à l’extinction pure et simple de ce monde. Lors de cet événement, des germes avaient été laissés pour morts, sur la terre et dans les cœurs. Dans tous les recoins visibles, comme invisibles, des murmures contestataires se faisaient front, héritiers de cette engeance répandant un torrent de suspicion toujours croissant. Les doyens sentiraient sous peu leur progression, dès qu’ils seraient concernés.

De cet état de fait, Adonnenniel Faelwen ne doutait pas une seule seconde. Ses quatre siècles d’existence lui avaient appris à se méfier de l’eau qui dort, à ne vivre et à juger que par et pour elle même. Désormais gradée, elle prenait part à la montée en puissance des divergences, comme jamais elle ne l’avait constaté, de mémoire. Son rôle consistait il à éteindre cette étincelle de frénésie populaire ? Elle en doutait. Et cela l’arrangeait parfaitement, à vrai dire. Jamais la drow n’avait ambitionné de retenir les ardeurs de son clan. Si débâcle il devait y avoir, elle serait forcée, soit d’y prendre part, soit de disparaître, tant qu’il en était encore temps. Une commanderesse pleine de lâcheté, pour un clan plein de rancunes. Ainsi allaient les choses.

C’est en ce jour tout à fait banal, où rayonnaient les deux astres ciel et feu, que ladite commanderesse avait décidé de fuir les remparts d’Aube, et de se rendre dans la basilique Servkour. Lieu de recueillement, où chaque membre opprimé de son clan pouvait trouver l’exil, la repentance, ou tout simplement le recueillement. Elle, ne recherchait que la connaissance approfondie de son champ d’action. La basilique devait être le domaine de la prêtrise Servkour, il n’y avait pas à épiloguer. Mais jamais un prêtre ou une prêtresse ne s’était manifesté aux yeux d’Adonnenniel. Devait elle en conclure qu’il, ou qu’elle, n’existait pas ? Auquel cas elle serait le seul et unique point de rattachement de son peuple. Cette pensée n’avait rien de réjouissant, vu le poids de ses responsabilités.

Enveloppée dans son habituelle cape noire, la drow ressassait ces même préoccupations lorsqu’elle atteint la porte d’entrée de la basilique. Il n’y avait rien à en dire, d’un point de vue esthétique. Sobre, sans artifices, le bâtiment était à l’image du peuple qui le fréquentait, pauvre et rejeté des autres. Il n’y avait personne à l’horizon. La commanderesse entra alors à l’intérieur, pour découvrir trois rangées de bancs miteux, et une estrade à l’aspect douteux. Bientôt viendrait le temps de la réhabilitation des adorateurs de Servkour, avec ou sans l’aide des jumeaux de la prophétie. Jamais Adonnenniel ne les avait rencontré. Leur prétendue importance relevait elle de l’info ou de l’intox ? Nul ne saurait le dire, si ce n’est les autres commandeurs. Eux aussi, elle ne connaissait que leur identité. Après tout, n’était elle pas à l’image de son peuple, indigne de leur intérêt ? Grand bien leur fasse, elle ne s’en portait pas plus mal. Avançant avec assurance entre les rangées de bancs, Adonnenniel constata avec déception que les anciens vitraux avaient été détruits. Vandalisme pur et simple. Elle s’assit sur le banc le plus proche, et une gerbe de poussière s’éleva dans les airs. La journée serait contemplative, et emplie de réflexions. Qui aurait l’idée farfelue de se trouver au même endroit qu’elle ? L’avenir, relative notion, après tout…

Suite à l'entrée de la commandeuresse Adonnenniel Faelwen, un cavalier s'arrêta au petit portique de l'ancienne basilique Serkour. Sa monture fit un tour sur elle-même avant de s'immobiliser à l'entre du sanctuaire.

La vision de la dite personne était la suivante :

Une grande bâtisse en colline, vieillie et mal entretenue par les âges, entourée de barrières en bois.
Le dit édifice surplombé des escaliers en pavé aux angles arrondis dus à l'érosion dont quelques uns comportaient des fissures.
Dans la cours trônait un arbre ancestral taillé ! Ce qui était un détail somme toute insignifiant mais surprenant en comparatif à l'abandon manifeste qui habitait les lieux.

Le cavalier descendit donc de son destrier blanc tacheté de petites formes circulaires grisées.
Portant une cape ocre et une capuche sur sa chevelure, rien de plus éloquant au-dessous, il la releva laissant apparaître son visage au grand jour.
[ Il ] était une femme assurément !
Son visage était éclatant sous les rayons marqué du soleil, elle irradiait dans le plus grand calme, sans artifice, nul effort.

Elle élança ses cheveux ébouriffés en arrière d'un geste et paraissait avoir un infime sourire apaisant à ses lèvres en toute circonstance.
Elle souffla des murmures à son cheval et le laissa sur place pour se rendre au portique.
A cet instant, elle releva sa tête sur l'immense arbre et son sourire discret s'agrandit. Son regard d'une lueur secrète et sage portait en lui une signification, comme une salutation humble.
C'est alors qu'une brise souffla dans ses branches. A cela, la jeune femme décida de s'en approcher en apposant une main à son tronc.
Elle clôt ses paupières et au bout de quelques secondes se mit à sourire comme si elle échangeait un dialogue avec un végétal ? ! ? !

Elle regarda e direction de la chapelle, puis jeta un dernier regard à l'arbre.
S'exécutant, elle ne tarda pas à gravir les marches pour se retrouver à l'intérieur du monument des anciens.
Passant à l'ombre des murs, son regard s'agrandit, puis, ses yeux se surprirent de voir qu'une personne se demeurait en ses lieux. L'étonnement céda la place à la quiétude de son être.

Elle s'avança doucement vers la première hotte des lieux, et s'inclina avant de s'adresser à elle d'une voix souple :

" Bonjour Adonnenniel Faelwen, Alina Athélia .. Je ne vous dérange pas ? "

Visiblement, Alina connaissait le nom de sa convive fortuite.
Elle apposa ensuite son regard sur le vitrail principal toujours en ordre afin de contempler ces multiples couleurs, dans l'attente de la réponse de celle-ci.

Nulle brise ne traversait les vitraux, de même qu’aucun son ne se faisait entendre. Pourtant, le murmure d’une arrivée prochaine se fit front dans l’esprit de la commanderesse Servkour. Simple paranoïa où intuition fondée ? Toujours est il qu’elle ne sembla pas décidée à bouger le petit doigt, et ce même si l’arrivant se dévoilait de nature hostile. Adonnenniel n’était pas lâche au sens propre. Face à la responsabilité, elle fuyait sans aucun remord, mais face à l’adversité physique, tous pouvaient s’attendre à la voir répliquer avec rage et conviction. Les mains liées en une attitude de méditation, elle attendit sagement que l’intrus engage la conversation, où sorte son arme, auquel cas le bruit émis ne manquerait pas de jouer en la faveur de la commanderesse. Les temps actuels n’étaient pas sûrs.
C’est alors que le murmure d’une voix féminine fit son apparition. Sous ses multiples étoles dissimulatrices, Adonnenniel haussa les sourcils d’étonnement. Il était étrange que le nom de la commanderesse du clan Servkour soit connu. Plus encore, il était difficile d’imaginer la jumelle de la prophétie annonçant son identité à tous les badauds qu’elle croisait, et ce sans se soucier de ses ennemis. Car elle en avait, même si elle n’en était pas encore consciente. Adonnenniel elle même était elle partisante de cette oligarchie montante, prônée avec ferveur et démagogie par les jumeaux de la prophétie et leurs courtisans, commandeurs de tous poils ? La question pouvait être posée, et il était évident que la commanderesse ne désirait pas prendre de décision hâtive, sur ce sujet.
Aussi, avec un respect mêlé d’un brin de réserve, Adonnenniel consentit à se tourner vers Alina Athélia. La bienséance aurait voulu qu’elle exhibe également son visage, se mettant de ce fait sur le même piédestal que son interlocutrice. Mais la commanderesse n’en ferait rien. Simple conviction personnelle. Jaugeant du regard celle qui prétendait incarner le messie attendu de tous, Adonnenniel décida de lancer son investigation, sans préavis. Son ton se fit froid et à la fois honnête, comme cherchant par tous les moyens à extirper une vérité. La jumelle devait se douter qu’il ne serait pas simple d’engager le dialogue avec le chef de file des opprimés et des délaissés.

« Salutations, qui que vous soyez. Je dis bien « qui que vous soyez », car rien ici bas ne me prouve que vous êtes bien celle que vous venez de prétendre être. Alina Athélia, jumelle de la prophétie, oserait elle dévoiler son identité à celle dont elle n’a jamais vu la couleur ? Si votre réponse s’avère satisfaisante, alors vous ne me dérangerez pas le moins du monde. »

Les sous entendu d’une telle tirade étaient frappants, sans pour autant sonner comme une véritable provocation. La perversion drow, comme certains la nommaient, était peut être à l’œuvre. Adonnenniel tâtait son terrain, car consciente de jouer avec le feu. Trop de fois elle avait vu son peuple être dupé par un rang social supérieur au sien. Trop…
De cet entretien pouvaient dépendre beaucoup de choses.

Alina tendit une oreille attentive aux dire mûrement posée de la jeune Commandeuresse.
L’atmosphère aurait pu être tendue ou alourdie par les propos de la suivante ;
Des mots directs, sans prise de gants, dont la contenance ne prêtait pas suffisamment allusion à une agression verbale.
Pourtant ce ne fut pas le cas, C'est d'un air paisible qu'elle répondit naturellement au test :

" Qui que je sois ? "

Elle détacha son regard de sa convive, la dépassa à pas lent par la droite.
Puis, elle contempla la statue de pierre à peine érodée par les percées de d'eau qui infiltraient la toiture de l'enceinte par temps de pluie.
Trônant au centre de la chapelle, une femme sculptée dans la roche, représentante de la douzième divinité de Lunéha.
Marquant une minute d'arrêt, parfois elle aurait aimé qu'on ne la considère non plus en vertu de son statut, c'était l'un des poids à porter, tenante du titre d'Elue à sa seule naissance.
Toute fois, elle gardait les pieds sur Lunéha, et parlait en toute simplicité, sans manière ni grandeur, sa seule prestance elle le devait à son air paisible :

" Comme toute autre personne sur cette planète, je n'ai à prouver à qui que ce soit la véracité de ce que j'avance quand on sait que cela ne résume qu'à un prénom.
Je pense ne pas avoir à prouver mon identité à mes semblables alors que je ne fais que me présenter à eux. "

Elle qui replaça son doux regard bleuté sur Adonnenniel Faelwen, rajouta d'un fin sourire :

" Je dis bien 'mes semblables' ... Libre à vous comme à tout autres de croire ou pas en l'identification d'une personne qui s'annonce à vous. Cela ne tiens qu'à votre instinct... Et peut être aussi en la confiance que vous placez vis à vis d'un inconnu.
Dois-je brasser de la magie, dans tous les sens, en un lieu sacré, pour vous montrer l'étendue des capacités d'un élu que vous n'avez d'ailleurs jamais rencontré ? Comment seriez vous si cela serait les limites d'un élu ? A-t-il seulement une limite ? "

Elle tourna son regard sur une mosaïque aux multiples couleurs sombres, et retourna vers la Commandeuresse.

" Biensûr que non, ce n'est pas cela que vous attendez de moi. Ce serait ridicule, je ne suis pas un feu d'artifice, les fêtes ne sont d'ailleurs pas du fort des Servkours... "

Elle avait dit cela en connaissance de cause, le clan Servkour n'avait jamais eu de fêtes définit à proprement parlé.

" Il est vrai que mon à lui seul exalte les pensées sans même me connaître de loin comme de près : Admiration, mépris, indifférence.
J'espère que vous vous déferez des votres comme d'autre l'on fait avant vous. "

Elle accepta néanmoins de donner suite à l'interrogation de la dite drow pour conclure :

" Je vous dirai que je vous ai fait part de mon identification comme je l'aurais fait envers qui que ce soit, parce que je juge que c'est un geste à la base d'un dialogue, politesse/respect ? "

Elle tenta de faire réfléchir la Commandeuresse sur l'essentielle de ses doutes, étaient-ils fondées ?

" Les deux assurément. "

C'est alors qu'un moine pénétra la large pièce par une porte située dans l'angle droit au fond de la chapelle.
Il regardait les deux femmes en se dirigeant vers elle.
Ce sur quoi Alina inclina sa tête en signe de bonjour et dis d'une voix douce à ce dernier :

" Moine Elkior, heureuse de vous revoir. "

" Moi tout autant Dame ALina ! Comme à chaque fois. " Après un court arrêt sur la vue de Commandeuresse, il s'inclina et poursuivit un peu géné, il ne voulait pas monopoliser l'attention :

" Comment allez-vous ? "

" Tout autant que vous.. Qu'elles sont les nouvelles ? " Se voulant persuasive.

" Nous ne faisons pas de vieux os alors ! Tenez " Dit-il sur le ton de la plaisanterie ce qui valut à Alina de sourire !
Elle se saisit de l'urne tandis qu'il continua :

" Le sentiment d'injustice perdure et noircit les âmes, la contrée est très mitigée, l'Alliance contre Tarne à fait réveillé des consciences pour l'union, mais la cassure n'est colmatée qu'en surface. Les irréductibles vengeances contre les autres clan perdure.. J'en ai bien peur ! "

Pensive elle rétorqua d'une voix faible et profonde :

" Je concois ... Pourquoi vouloir s'intégrer à un monde qui les ont opprimés jusqu'à lors. "

Il posa sa main sur l'épaule d'Alina et lui dit :

" Nous ne pouvons pas changer ce qui fut.
La rancune est tenace mais chaque entité que nous sommes pouvons modeler le futur. "

" Oui moine, et seule je n'y puis rien ^^. "

Le moine ria et lui dit : " Vous êtes réaliste ! Garder votre cœur, il nous guide tous ! "

Elle aborda le même visage épanoui : " Je m'y emploie ! Et vais de ce pas me charger de la tache qui m'attend. Vous paroles sont d'un réconfort nécessaire. "

Il s'inclina avant de partir : " Puisse les divinités vous garder près de nous. Nous nous reverons tout à l'heure. "
"

" Bien entendu moine Elkior. "

S'en retournant vers Adonnenniel, elle voulut prendre congés : " Vous manquez à Aube, chaque Commandeur en moins être une perte vis à vis du combat contre Tarne. Mais je vous félicite d'être aux côtés des vôtres. Il n'est pas de clan de plus révolutionnaire.
J'espère qu'avec vos efforts, ils trouveront la paix qu'ils recherchent.
Si vous me cherchez, vous me trouverez près du grand pommier. "

Elle la salua et s'exécuta en partant en direction de la sortie de la basilique vers l'arbre fruitier.
Une fois arrivée à sa mesure, elle s’assit en tailleur en prenant appuie de son dos contre le tronc et plaçant l'urne entre ses jambes.
Alina, d'une douceur marquée sur son visage fit titillait dans sa concentration par quelque chose d’indicible.

Cette même chose la fit rouvrir ses prunelles avec un large sourire. Elle se tourna vers l'arbre et dis :

" Mais tu vas arrêter oui ? Haha ! Tu me déconcentres avec tes histoires ! "

D'un coup, ALina reçut une pomme en pleine tête !

" OUILLE ! " ... " Oui je sais, tu mérite la considération dûe à ton âge, mais je dois travailler ! " Dit-elle toujours de vive voix en se frottant la tête !

" Merci pour la pomme au fait ! "

Elle mordit un grand coup dedans :

" MMM ! Délicieuse... Mais !! Ne rougit pas ! ! ! Roooo !! Non merci une me suffira .. Enfin peut être une autre pour le départ ! Non... donnes les à ceux qui en on le plus besoin d'accord ? Fais-leur d’excellantes pommes que seul toi c'est faire ! ... Hahaha !!! Bon d'accord ! Si tu le dis ! Elles sont rouges grâce à mes compliments ! "

Excepté la voix d'Alina, seule le bruissement des branches dans la brise se faisait entendre.

" Oui.. Qu'à fait ce garçon à la triste mine à la petite fille ? "

En même temps, ses yeux se fermèrent, ses mains s'apposèrent sur chaque côté de l'urne et un halot bleuté entoura l'objet.

" Oui, je t'écoute aussi... Ro !!! Tu disais, elle est tombée et ? "

Jonglant entre son devoir mystérieux et les divertissements vraisemblables avec l'arbre, elle amplifiait l'horizon de son fin sourire.

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